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On débarque sur l’île de Gili Trawangan, le samedi 4 août en fin de journée, accompagnés de nos amis Touf (alias Olivier) et Tif (alias Tifenn) dans l’espoir de prendre du bon temps et de nous reposer… Nous venons de vivre pendant 3 nuits et 4 jours sur un petit bateau de 35 places qui organise des croisières entre Flores et Lombok. Mais le terme de croisière est certainement mal choisi. Ce bateau a plutôt l’allure d’une embarcation de backpackers. Tout le monde dort sur le pont du bateau les uns à côté des autres. Les journées sont longues. Elles commencent par un réveil au lever du soleil et finissent souvent par des soirées endiablées sous les étoiles. Bref, il est grand temps pour nous, jeunes trentenaires de se reposer. On se réveille le matin du 5 août sous un soleil radieux. Un petit déjeuner « banana pancake » accompagne cette belle journée. On négocie un tour de snorkeling de 3 heures au cœur des iles Gilis avec une plongée au milieu des tortues. A notre retour, affamés, on dévore un kebab/frites et pour soulager notre conscience, on motive le groupe pour faire le tour de l’île en courant. Après une bonne douche, Tif & Touf nous quitte pour aller faire les boutiques et on se donne rendez-vous à 20h devant la place du marché à poissons.
Allongé sur notre lit, on est en train de discuter quand on entend à 19h45 des coups de tambours, frappés de plus en plus fort. On saute du lit effrayé, on se prend dans les bras, la terre se met alors à trembler sous nos pieds, les débris tombent du plafond, les murs se fissurent… On se réfugie sous une toute petite table pour se protéger la tête. On se regarde tous les deux, il y a de la peur, de l’amour et un grain de fatalité, on est pris au piège, tout peut s’écrouler. Après 15 secondes, les plus longues de notre vie, le bruit assourdissant s’arrête. On se relève, on ouvre la porte, le toit à l’extérieur s’est effondré. On enjambe les amas de taules, les files électriques, il fait nuit noire… La ville est plongée dans l’obscurité totale, on est au milieu de la cour, rejoints par d’autres touristes et un employé de notre guesthouse. Il est terrorisé. Les habitants voisins commencent à crier, à pleurer, à prier… Nous on reste là, choqués. On est sorti sans égratignures, on essaie de retrouver notre calme. On récupère nos chaussures et quelques affaires précieuses en quelques secondes, et on se remet dans la cour quand une seconde réplique revient nous frapper. Les gens s’affolent. Tout à coup, on entend nos prénoms, Olivier & Tifenn sont venus nous récupérer. Ils étaient dans un magasin quand les secousses sont arrivées. Ils ont traversé la ville en ruine pour nous retrouver. On s’assure les uns les autres que personne n’est blessé. « Il faut monter sur la colline pour se mettre à l’abri » disent ils en cœur. Cette petite île de quelques km2 possède une colline de 60 mètres de hauteur. Le risque de Tsunami nous vient immédiatement à l’esprit. On doit monter le plus haut possible !
On est seulement à une centaine de mètre. Le bas de la colline se situe derrière notre hôtel. On grimpe en s’éclairant avec la lumière de nos téléphones. Tous les habitants et les touristes affluent vers le même endroit. Nous arrivons après un bon effort tout en haut sur une sorte de plateau où culmine une immense antenne. Nous ne sommes pas seuls, nous sommes déjà des centaines, peut-être même un millier de personnes venues se réfugier ici. Et le nombre ne fait qu’augmenter. Les lumières des téléphones font scintiller cette nuit de terreur. Nous commençons à entendre certaines personnes crier le nom de leurs proches, de leurs amis, de leurs enfants perdus lors de leurs fuites. Une jeune adolescente, Charlotte, en sanglots, en fait partie. Elle a perdu ses parents et sa petite sœur sous la panique et elle nous demande notre aide. Sa détresse nous oblige à rester fort. Nous avons par chance encore internet sur nos téléphones et nous essayons de joindre son père à multiples reprises. Seulement avec le monde et la cohue générale elle mettra plus d’une heure à les retrouver. Nous essayons d’appeler les amis rencontrés précédemment sur la croisière mais personne ne répond. Deux d’entre eux sont sur la minuscule île de Gili Air en face de l’épicentre du séisme, ils n’ont aucun endroit où se réfugier.
Nous recevons alors une notification « Alerte tsunami » ! A partir de là, de nombreux mouvements de foules offrent des scènes de fin du monde. A chaque souffle de vent dans les arbres, les gens crient et se mettent à courir. C’est terrifiant et nous choisissons de nous éloigner un petit peu de la masse. Les indonésiens se mettent à prier en la gloire de leur dieu… Nous pensons être en sécurité en hauteur. Nous savons que le séisme fera dans quelques heures là une des télévisions du monde entier et nous envoyons tous un message à nos proches pour les rassurer.
L’alerte est levée une heure plus tard, à notre grand soulagement. Le sol semble trembler en continu. De nombreuses répliques sont ressenties et provoquent à chaque fois de nouvelles scènes de panique. Nous prenons collégialement la décision de rester dormir sur cette colline. Nous devons récupérer quelques affaires dans notre guesthouse car il commence à faire froid. Heureusement, nous sommes seulement à quelques minutes. Dans les rues, les murs sont tombés de chaque côté, il n’y a pas un bruit, seulement quelques adolescents avec des sacs poubelles remplis courant dans les rues. Une première scène de pillage qui nous glace le sang. En rentrant dans la cour de notre guesthouse, on réalise l’étendue des dégâts. On se faufile pour récupérer le reste de nos affaires. Dans la chambre d’Olivier et Tifenn, le plafond s’est effondré… On ne reste qu‘une poignée de minutes et nous repartons à pas pressés vers notre colline.
En arrivant en haut, nous croisons, Violaine et Thibaut, deux des amis rencontrés sur la croisière que nous n’avions pas réussis à joindre. Leur ami Lucas aussi est là, arrivé le jour même pour partager le calme de cette île paradisiaque… C’est un soulagement de savoir que tout le monde va bien. Ils étaient dans leur hôtel aussi quand le tremblement est arrivé. Ils ont fui très vite en laissant tout derrière eux, leurs portables, leurs chaussures, leurs portefeuilles. Ils sont pieds nus et déboussolés. Violaine et Lucas sont tombés durant leur course quand le souffle d’un mur qui s’est effondré derrière eux les a percutés. Mais ils sont indemnes eux aussi. Nous passerons tous les cinq la nuit sur cette colline. Une nuit très courte interrompue par un homme indonésien cherchant désespérément de l’aide médicale. Il y a des blessés non loin de là, sur un terrain de football et il a besoin d’un médecin. Olivier qui est infirmier se porte immédiatement volontaire. Nous faisons un baluchon en vidant toutes nos trousses à pharmacie : compresses, bandages, désinfectant, paracétamol, antibiotique, thermomètre… Il part avec Tifenn avec l’espoir de pouvoir aider quelqu’un. Ils reviendront finalement 1h plus tard, frustrés. Le terrain de football n’était pas le centre de secours espéré des victimes du séisme. Trois personnes déjà mortes étaient allongées sous des draps et les quelques blessés présents déjà prises en charge par un centre de plongée.
Nous avons finalement réussi à fermer l’œil 2 petites heures. Il est 5h du matin, le soleil se lève et il fait un temps magnifique. Nous réunissons nos affaires et nous dirigeons vers la plage où arrivent les bateaux. Nous traversons une ville morte, les hôtels sont vides, les magasins sont fermés à clés ou avec des chaines. Certains locaux sont assis sur le parvis de leur hôtel emplis de désespoir. A notre arrivée sur la plage, il y a déjà plus de 3 mile personnes, valises à la main ou sur le dos, en attente d’une évacuation. Ce nombre ne fera qu’augmenter. Personne n’a mangé ou n’a bu depuis hier midi et tous les restaurants et les épiceries sont fermés. On s’assoit autour d’une table et on cherche à avoir des informations. L’ambassade de France, joint par une touriste française, nous informe que les trois îles Gilis vont être entièrement évacuées dans la journée. Nous patientons. Il n’y aucune autorité sur place, ni policiers, ni secours, ni représentant du gouvernement indonésien. Les propriétaires d’hôtels encore présents n’ont aucune information supplémentaire à nous donner. L’attente est longue, il est déjà presque 9h et rien ne se passe. C’est vers les alentours de 10h que deux bateaux amarrent sur la plage principale. Il y a peut-être à ce moment-là plus de 10 mile personnes, touristes et locaux confondus désirant quitter l’île. Les bateaux ont une capacité de seulement 60 places. Les scènes qui vont suivre seront brutales. Les bateaux sont assiégés en quelques secondes, les gens se bousculent, se frappent, s’accrochent les uns aux autres. On est toujours assis à notre table et on doit faire face à cette scène cruelle. A ce moment-là, un tri naturel se met en place. Les familles avec leurs enfants se retirent, la majorité des occidentaux se résignent à attendre leur tour patiemment. Seuls les plus vigoureux se disputent les places. Nous ne leur jetterons pas la pierre. Beaucoup d’indonésiens ont besoin de rejoindre Lombok pour retrouver leur famille prise au piège sous les décombres. Pour nous, rejoindre Lombok n’est pas la meilleure solution. Le lieu du séisme se situe à quelques kilomètres du port de Bangsal, au nord de Lombok. Les dégâts sont plus importants que sur les îles Gili. La situation pourrait être encore plus chaotique là-bas. Vers 11h, une petite supérette fera les frais de la soif et la faim qui électrisent toute la foule. En quelques minutes, oubliant le danger de pénétrer dans un bâtiment fissuré, le petit magasin est l’objet de toutes les convoitises. Des chips, des barres chocolatées, des paquets de gâteaux volent dans tous les sens. Nous arrivons à récupérer, quelques barres de « snikers, crunchs » et quelques dosettes de cafés instantanés. Nous les partageons avec une famille italienne assise à côté de nous. Il y a aussi des bouts de pains rassis laissés sur la table du diner de la veille.
A ce stade, seulement quelques centaines de personnes ont pu quitter l’île. Voyant les milliers de personnes restants amassés sur cette côte, nous ne nous sentons pas en sécurité. Si la terre se met de nouveau à trembler, le mouvement de foule sera dramatique. Le séisme d’hier soir de magnitude 7 est consécutif à un séisme de magnitude 6.4 au même endroit. Nous avons peur d’une escalade des secousses. Nous choisissons d’établir un campement sur la colline et de venir faire des missions repérages toutes les deux heures. Sur la route, nous récupérons un carton d’eau laissé généreusement devant les portes d’un magasin. Nous établissons notre base à mi-chemin entre le sommet et le pied de la colline. Nous ramassons une grande bâche, des bouteilles d’eau à moitié vides, un reste de pastèque et quelques tamarins. De nombreux indonésiens, originaires des îles Gilis, qui n’ont nul endroit où aller sont installés eux aussi sous un arbre. Nous nous joignons à eux. Un merveilleux élan de solidarité survient alors. Nous échangeons quelques cookies contre des bananes. Nous partageons avec eux les quelques morceaux de pastèques. Un indonésien prénommé Koka vient nous offrir des patates cuites et un café dans un geste d’une immense bonté. Les larmes coulent de nos yeux. Nous les aidons à construire un abri pour avoir de l’ombre. Nous partageons rires et sourires et cela nous réchauffe le cœur. Une mère indonésienne seule qui a un bébé de 7 mois dans les bras et un garçon de 4 ans nous donne une leçon d’héroïsme. Nous passons deux heures à jouer avec son petit garçon pour notre plus grand bonheur.
Alors que deux « missions de reconnaissances » ont déjà été envoyées sur la plage, nous constatons que l’évacuation se fait dans un désordre absolu. Nous sommes exténués et nous ne comprenons pas comment cela peut être si long. Il reste encore des milliers de personnes et les moyens mis en place sont tellement insuffisants. Il paraît évident que le gouvernement indonésien est submergé, surpassé mais où est l’aide internationale ? Le temps est long, très long depuis 5h du matin. Au-dessus de nos têtes, certains sont exfiltrés par hélicoptère. La sélection par l’argent a commencé.
Soudain, vers 16h, trois énormes paquebots pointent le bout de leur nez. Nous réunissons nos affaires avec un immense espoir de pouvoir sortir de ce cauchemar. Arrivés en bas, la plage est toujours noire de monde. Il n’y a quasiment plus aucun indonésien. Tous les occidentaux forment une queue qui s’étend sur plus d’une centaine de mètre. Le désespoir laisse place aux sourires. On nous informe que le bateau se rendra directement à Bali. Enfin une bonne nouvelle. Nous appelons nos familles avec les quelques pourcents de batterie restants. Il est temps de les rassurer.
Mais tout ne me se passe pas comme prévu. Les trois énormes bateaux sont trop gros pour amarrer sur le ponton de la plage. Ils posent l’encre au large de l’île. Des minis speedboats de 10 à 15 personnes font le relais avec un bateau intermédiaire qui lui-même joue le relais avec le paquebot. Ça frôle le comique. Après 6h d’attente, la moitié seulement a été évacuée. La nuit est tombée et nos espoirs avec elle. Deux des trois bateaux sont déjà partis quasiment vide. Le troisième bateau continue tout doucement à charger des personnes. Epuisés physiquement et mentalement, nous nous endormons sur la plage quelques minutes. Le réveil est brutal ! Une nouvelle secousse, suivie d’une autre encore plus forte. Il s’agit d’un nouveau séisme de 5.4 et non d’une énième réplique ressentie tout au long de la journée. On est à cran. Les « gardes côtes » nous informent que le bateau ne part plus à Bali mais à Lombok. Les esprits s’échauffent. On a aucune information sur la situation à Lombok et on ne se voit pas partir en pleine nuit directement dans la « gorge du loup ». On décide alors de passer une nouvelle nuit sur la colline. Nous prendrons un bateau demain matin à la première heure. Nous nous couchons vers 2h du matin, sous un ciel divinement étoilé, avec le doute d’avoir pris ou non la bonne décision.
Le lendemain matin, il reste encore près de 400 personnes sur la plage. On assiste vers 9h à la scène la plus répugnante de cette « aventure ». La compagnie « Freebird express » faisant le trajet Amed Gili a affrété deux speedboats pour venir récupérer les dernières personnes. Sauf que l’entrée sur le bateau est payante. Les 100 places à 400 roupias se sont évaporés en quelques minutes laissant sur le carreau des familles entières et leurs enfants. Leurs supplications sont restées vaines. Nous avons alors déversé tout notre dégoût sur les membres de l’équipage qui n’en avait que faire. Quelques minutes plus tard, un autre bateau venant d’accoster nous a gentiment signifié qu’il n’embarquait que les animaux. La valeur de notre vie fût-elle à ce point dérisoire ? Finalement, c’est un bateau de la police et un autre des gardes côtes qui sont venus évacuer le reste (300 personnes) avec des « zodiacs » de 5 personnes. Nous avons fait partis de cette tournée. Notre arrivée à Lombok, sous le feu des caméras et des flashs d’appareils photos des journalistes nous a déconcerté. La présence du gouverneur de Lombok, devait certainement y être pour quelque chose. Nous n’avons même pas eu la force de polémiquer. Finalement après 3 heures de bus et 4h de ferry, nous sommes arrivés à Bali, la fin d’un long calvaire…
Nous avons eu très peurs mais nous sommes heureux d’être sains et saufs. Nous avons tous les signes d’un choc traumatisant. Au-delà du tremblement de terre, entre la générosité et l’avidité de l’Homme, nous choisissons de ne retenir que la générosité. Nous ne remercierons jamais assez Olivier et Tifenn et tous les amis présents pour notre unité et notre cohésion durant cette catastrophe. Nous ne remercierons jamais assez tous les indonésiens qui nous ont offert une leçon de gentillesse et d’humilité. Merci également à nos amis « des quatre coins du monde » pour votre bienveillance. Une partie de notre cœur est resté à Lombok et sur les îles Gilis qui ont encore été frappés par un nouveau séisme ce jeudi 9 août. Ils ont besoin d’aide plus que jamais. Un petit don à la hauteur de vos moyens peut tout changer
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